La première chose qui frappe au Vanuatu...
- Caro Suzanna
- 16 nov. 2016
- 3 min de lecture
Eh bien ce sont les hommes.

J’ai passé la grande majorité de mon mois au Vanuatu à Efaté, île sur laquelle se situe la capitale de l’archipel, Port-Vila. Dans le désordre : l’eau des lagons scintille, les nuances de bleu sont incroyables, les couchers de soleil sont à tomber par terre et la végétation a clairement le dessus. Chaque recoin est gorgé de fleurs et la pollution n’a pas encore eu raison des paysages sauvages, même en plein « centre-ville », et c’est tant mieux. Les routes sont parfois difficilement accessibles voire inexistantes plus on essaye de rentrer dans les terres. En arrivant, j’ai d’ailleurs pensé au film Mad Max en voyant les Ni-Vanuatu debout dans les bennes de leurs énormes pick-ups, roulant à fond sur des faux chemins, la poussière brouillant les 10 mètres à la ronde. Bref, c’est humide, chaud, beau même si parfois très sale.
ET SINON, la grande surprise ici, pour en revenir au titre, c’est le rapport hommes-femmes. Alors oui, c’est facile d’être choquée quand on vient d’un pays comme la France, mais ça reste particulièrement hardcore. Le lendemain de mon arrivée, je suis allée à une soirée où l’on m’a pas mal refroidie à ce sujet. La première chose à laquelle j’ai eu droit ma première bière à peine entamée, c’est un long laïus sur « la culture du viol » sur l’île. Ambiance. Un garçon envoyé en mission par la Croix Rouge m’a sorti quelques chiffres édifiants sur les joies d’être une femme au Vanuatu. Les violences conjugales seraient « monnaie courante », et dans les jours qui ont précédé cette soirée j’ai entendu d’autres témoignages et belles anecdotes qui m’ont encore plus ravie. Aussi, les hommes ne s’adressent/répondent pas aux femmes, donc pas la peine de leur demander un renseignement.
Soit.
Un petit topo sur cette région perdue du sud-ouest du Pacifique : le Vanuatu connaît son indépendance en 1980 après avoir été conjointement administré par la France et la Grande-Bretagne. L’archipel est situé au Nord-Est de la Nouvelle-Calédonie, à une heure d’avion et compte 83 îles et un peu plus de 285 000 habitants. On peut clairement parler de société patriarcale où les coutumes sont foncièrement discriminatoires envers les femmes. A noter que les traditions du pays sont bien souvent instaurées par les hommes. Il y a une dizaine d’années, on pouvait dire que le Vanuatu était l'un des pays les plus pauvres au monde, coupé des autres, dépendant de l'eau de pluie et avec de sérieux problèmes d'hygiène, notamment en raison des multiples catastrophes naturelles, le dernier gros exemple en date étant le cyclone Pam. Depuis quelques temps, le nombre de touristes (et donc d’investisseurs) augmente à vitesse exponentielle. Ce coup de projecteur a plusieurs effets, dont celui d’attirer l’œil sur la condition des femmes. Youpi. Le gouvernement travaille dessus depuis une dizaine d’années et les associations internationales y sont sensibilisées depuis peu. Concrètement, ça donne quoi ? Un état des lieux qui attriste. L’ONU Femmes, l’organisation des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, dévoile qu’environ 81% des hommes et 79% des femmes pensent que les femmes méritent parfois d’être battues et que 91% des hommes et 84% des femmes considèrent que les violences domestiques font partie de la sphère privée et doivent se régler au sein de la famille. Pour autant, on a ce chiffre paradoxal, toujours selon L’ONU : 84% de la population Vanuataise est d’accord avec le fait que les violences sexuelles sont un gros problème dans le pays. Aussi, 40% de la jeune population du Vanuatu accepte d’avoir des relations sexuelles en échange d’argent ou de cadeau.
Pour avoir parlé avec plusieurs femmes, je pense qu’elles sont l’avenir de ce pays et la plupart, du moins les jeunes, sont conscientes du problème. Evidemment mon jugement est forcément biaisé puisque les filles avec lesquelles j’ai parlé de ce sujet évoluaient dans des entreprises gérées par des étrangers et n'étaient sûrement pas représentatives de celles vivant H24 dans leurs villages coutumiers. Allez, je finirai ce billet par une autre anecdote tout aussi réjouissante qui concerne justement l’influence des occidentaux sur la population. Il y a quelques années une femme a posté sur ses réseaux sociaux qu’elle pensait que les bus faisaient reculer le tourisme sur l’île. Je confirme à 100% avec, en tête, mes mauvaises expériences dans lesdits bus. Résultat, un peu soupe au lait, des hommes de l’île l’ont séquestrée, ses propos étant intolérables. Un procès a eu lieu, mais surprise, des manifestations se sont organisées pour... défendre les agresseurs de la victime. Leur argument ? Battre une femme fait partie de la culture du pays, juger ses agresseurs ne serait jamais arrivé sans l’influence grandissante des occidentaux.
Allez, ce sera tout pour moi.